Jean-Robert Pitte - Géographe, gastronome et DIO

Par - Le 16 novembre 2011.

« Mon parcours ? Méritocratique. »

pitte_v2-3eb86.jpg« Certains ne croient pas à l'ascenseur social, au mérite et à l'égalité des chances. Moi, j'y crois profondément. Plus on voudra être égalitariste, plus on plombera ceux qui sont mal nés.» Imprécateur ou provocateur pour les uns, homme d'action et de convictions pour les autres, Jean-Robert Pitte, 62 ans, se laisse difficilement résumer. Nommé délégué à l'information et à l'orientation (DIO) auprès du Premier ministre le 23 juin 2010, l'homme a pris ses fonctions à la suite d'un parcours hors norme, souvent construit à contre-courant et parfaitement assumé.

Rappelant volontiers être né au Pré-Saint-Gervais, « le 9-3 » précise-t-il, de « parents modestes employés de bureaux », Jean-Robert Pitte s'est très tôt retrouvé « porteur des espoirs familiaux de promotion sociale ». Décevoir n'était semble-t-il pas une option : se rêvant tour à tour cuisinier puis steward, il sera finalement agrégé de géographie à 22 ans, après des études à la Sorbonne, qu'il finira par présider. Détail piquant pour celui qui, selon ses propres termes, est devenu le « catalyseur » de la mise en œuvre du service public de l'orientation, Jean-Robert Pitte s'assume comme « vivant produit de l'orientation par défaut » : lauréat d'un bac philo parce que « nul en maths », devenu professeur « sans jamais l'avoir rêvé », le DIO reconnaît bien volontiers avoir démarré sans « aucun projet professionnel », si ce n'est un goût prononcé pour les voyages qui suffit à l'orienter en géographie. Sa véritable motivation, il la puisera finalement dans des rencontres avec des professeurs soutenants et, contre toute attente, dans « l'électrochoc » de mai 68 : « je n'ai pas aimé du tout voir tous ces enfants de bourgeois casser leurs jouets et cela a été une motivation pour m'accrocher un peu plus aux études », assure-t-il.

Dès lors peut se mettre en place sa définition toute personnelle de l'orientation : « d'abord, se faire plaisir dans la vie professionnelle, ce qui ne veut pas dire choisir des solutions de facilité ; ensuite, acquérir des convictions et essayer de les mettre en œuvre ».
Le plaisir, Jean-Robert Pitte le trouve volontiers dans le travail et un certain éclectisme : carrière universitaire d'une part, organisée autour des « trois piliers » que sont selon lui « l'enseignement, la recherche et l'administration » ; engagements associatifs d'autre part, comme la présidence de la mission française du Patrimoine et des cultures alimentaires qui aboutira au classement de la gastronomie française au patrimoine immatériel de l'Unesco en 2010. Parmi ses convictions, fréquemment minoritaires et souvent suivies d'actions, celle qui consiste à ouvrir l'université au monde extérieur apparaît comme un véritable fil rouge.

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Le rôle de l'université ? « J'ai très tôt acquis la conviction que l'université a aussi pour mission d'insérer professionnellement les étudiants : une discipline universitaire qui ne songe qu'à sa reproduction en formant des profs est une discipline morte ; celle qui réfléchit à son utilité dans la vie sociale et économique contemporaine a de l'avenir ». La création de l'université Inter-Âges Paris-Sorbonne ? « Il y a un marché du 3ème âge qui n'est pas uniquement lié aux services à la personne et à la santé, mes collègues n'y croyaient pas mais c'est devenu la principale ressource de l'université ». La création de Paris-Sorbonne Abou-Dhabi ? « On a dit que j'avais vendu le prestige de la Sorbonne pour un plat de lentilles alors que c'est devenu la deuxième ressource propre de l'université, et que nous diffusons la pensée française, en français, dans une région du monde arabophone et anglophone, avec une liberté totale d'expression ! », s'amuse-t-il. La formation continue ? « L'une des missions formidables des universités, qui permet non seulement d'engranger des ressources mais aussi de créer des liens avec le monde de l'entreprise ».

Des liens qu'il juge d'ailleurs si indispensables, qu'il n'hésitera pas à dénoncer en 2006 le mouvement anti-CPE dans son essai Jeunes, on vous ment !, pas plus qu'il ne résiste à « tremper sa plume dans l'acide chlorhydrique » pour rédiger l'année suivante Stop à l'arnaque du bac, visant à dénoncer un « bac poubelle » devenu selon lui garant du « principe français de sélection par l'échec ». Diversement reçus, ces essais contribueront cependant à le placer à la tête de la DIO : « puisque vous avez critiqué le système, il y a peut-être là le moyen de faire du positif et d'essayer d'améliorer le système par le biais de l'orientation », lui dira-t-on. Pari gagné ? « C'est loin d'être parfait mais des certitudes sont fissurées. »

1967 à 2008

Paris-Sorbonne : d'étudiant en géographie à président de l'université.

1981-2007

Créateur et directeur de l'université Inter-Âges de Paris-Sorbonne.

1987-88

Adjoint au Chef de la Mission scientifique au ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche.

1993-1995

Chef de la Mission de la Carte universitaire et des Affaires régionales (ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche).

2006-2008

Président-fondateur de l'Université Paris-Sorbonne Abou Dhabi (Émirats arabes unis).

Depuis 2007

Président de la mission française du patrimoine et des cultures alimentaires.

Depuis le 23 juin 2010

Délégué à l'information et à l'orientation auprès du Premier ministre.

Nicolas Deguerry