Michel Yahiel, conseiller travail, emploi et protection sociale du président de la République

Par - Le 01 juillet 2012.

“Je suis un vieux routier du social."

Sciences Po ? “Un cheminement naturel." L'Éna ? “Quand on avait la chance de carburer à peu près à Sciences Po, c'était là aussi la voie naturelle, sélective mais naturelle…". L'Igas ? “C'est venu un peu naturellement, j'avais envie de travailler dans le service public et je savais qu'au bout du parcours, je ferai du social." Voilà pour le côté “naturel" de Michel Yahiel, conseiller social de François Hollande, président “normal" de la République.

Un parcours 100 % social

Issu d'une génération où, estime-t-il, “on faisait tout plus jeune", son parcours débute sans tarder : conseiller au cabinet de Georgina Dufoix à 26 ans, directeur du Fonds d'action sociale à 28 ans, directeur du cabinet de Jean-Louis Bianco puis René Teulade à 34 ans, Michel Yahiel a déjà une longue expérience lorsqu'il rejoint Bernard Brunhes pour travailler à la modernisation des régimes sociaux de l'ancien bloc communiste. Bilan de ce passage dans le privé ? “Tout haut fonctionnaire qui ne l'a pas fait ne peut se rendre compte d'un certain nombre de choses… Les qualités qui vous sont demandées ne sont pas très différentes, mais la pression économique fait que votre responsabilité n'est pas l'intérêt général ou la situation du pays, mais les 10, 20 ou 50 personnes qui travaillent avec vous…", reconnaît-il.
Contacté par l'ANDRH alors qu'il est devenu DRH de la ville de Paris, il en devient le premier président issu du secteur public. “C'était un signe fort", se souvient celle qui lui a précédé, Charlotte Duda, qui se réjouit de voir ce “médiateur" désormais aux côtés de François Hollande : “Il va être un véritable atout, car c'est un homme de concertation et de dialogue, qui connaît très bien ses dossiers", s'enthousiasme-t-elle. “C'était une période très importante, il fallait rebâtir une doctrine pour ne pas être simplement des spectateurs ou des commentateurs, analyse Michel Yahiel, je pense que c'est ce que nous avons réussi à faire : cette association a pignon sur rue, elle est entendue et écoutée − j'en sais maintenant quelque chose − dans le paysage institutionnel." Louant sa capacité à “prendre des décisions avec discernement, élégance et fonds", Charlotte Duda ne cache pas le regret qu'elle a eu de le voir partir à l'Association des Régions de France. Pourquoi les élus régionaux sont-ils allés le chercher ? “Je pense qu'ils souhaitaient un profil complémentaire, avance Michel Yahiel : un haut fonctionnaire qui ait, premièrement, une parfaite connaissance des rouages de l'État, deuxièmement, une assez longue habitude de se promener à la frontière du politique et du technique et, troisièmement, une maîtrise minimum du monde des Régions." Pour Jean-Paul Denanot, président du Conseil régional Limousin et de la commission formation de l'ARF, il laisse le souvenir d'un “homme compétent et ouvert", qui va désormais “porter la voix des Régions sur la décentralisation". Commentaire de l'intéressé : “Je ne suis pas resté très longtemps, dix-huit mois, mais je pense que nous avons réussi, avec l'équipe et Alain Rousset, à faire en sorte que l'ARF soit un peu mieux entendue et, en tout cas, considérée par un tas d'acteurs comme les partenaires sociaux, les entreprises, les autres collectivités, etc."

Garant du long terme

Le rôle d'un conseiller social ? “Assez différent de celui de directeur de cabinet, davantage dans un rôle d'influence, d'orientation… Pour citer l'un de mes glorieux anciens dans ce rôle, qu'était Jean Lavergne, nous sommes un peu les garants du long terme." S'inscrira-t-il dans une ligne similaire à Raymond Soubie ? “J'ai trop de respect pour lui pour me comparer… En même temps, ce qui compte n'est pas la personnalité de ceux qui font ce travail, mais le cadre dans lequel ils le font." Et de rappeler : “Quand il était conseiller de Raymond Barre à Matignon, les choses étaient un peu différentes…" Chargé d'être “attentif aux évolutions", le conseiller social affiche un emploi du temps qui laisse une large part aux rencontres :“40 % de personnes à voir ici ou ailleurs, 40 % de réunions et 20 % de travail personnel, pour prendre le temps de réfléchir, d'écrire au président ou de répondre aux nombreuses sollicitations." Parmi les grands sujets du moment figure évidemment la préparation du sommet social des 9 et 10 juillet. “À la fois un contenant et un contenu, précise-t-il : le contenant est complexe, mais le contenu ne l'est pas moins, tous les grands sujets sont là."

Confiance…

Conclusion sur un souvenir de la rédaction : en 2011, Michel Yahiel, alors délégué général de l'ARF, nous déclarait trouver “hallucinant que l'administration centrale considère les élus locaux comme les services extérieurs de l'État…" Qu'en pense-t-il aujourd'hui ? “Confiance dans les territoires, confiance dans les acteurs sociaux, c'est un peu de même nature. Je sais bien que ce n'est pas nécessairement une réaction spontanée de notre tradition administrative, mais, si ce n'était que cela, ce serait simple : c'est plus sociologique." Et il ajoute : “Nous sommes très peu à avoir eu l'expérience de travailler pour l'État, les collectivités et, si possible, aussi un peu pour le secteur privé." D'où, selon lui, une couleur “un peu trop monochrome" de bien des acteurs, entraînant une “mentalité d'assiégés". Concédant quelques progrès dans les rangs des jeunes générations, il n'en considère pas moins que “l'on régresse plus vite que l'on ne progresse". Et d'estimer ainsi que “les grandes mesures de recentralisation prises entre 2007 et 2012 ont sans doute été plus marquantes que les mesures de décentralisation prises à l'époque de Jean-Pierre Raffarin". Ce n'est pas une raffarinade, mais déjà une parabole : “Comme en vélo, quand vous arrêtez de pédaler, vous tombez. Et là, ça s'est produit. En particulier sur les sujets qui intéressent Centre Inffo, la formation professionnelle, nous étions arrivés à des situations absolument ubuesques de déni du rôle des collectivités et des Régions, en particulier." Sans aller jusqu'à prétendre “que tout sera désormais simple", Michel Yahiel en est convaincu : “Un cap a été défini, l'état d'esprit a complètement changé." La preuve par l'exemple, c'est maintenant…

1980-1982 -Éna

1982-1984 - Adjoint au chef de l'Igas

1984-1986 - Conseiller au cabinet de Georgina Dufoix

1986-1991 - Directeur général du Fas

1991-1993 - Directeur des cabinets de Jean-Louis Bianco puis René Teulade

1993-1996 - Inspecteur général des affaires sociales

1996-1999 - Directeur général du cabinet Bernard Brunhes

2000-2002 - Rapporteur général de la Commission pour les simplifications administratives

2002 - Directeur du développement économique et de l'emploi (03), directeur général des ressources humaines (09) de la Ville de Paris

2009-2010 - Président de l'ANDRH

2010-2012 - Délégué général de l'ARF

2012 - Conseiller travail, emploi et protection sociale à la présidence de la République