René Bagorski, un négociateur à l'Afpa

En 2008, Le Quotidien de la formation
l'avait qualifié de “Monsieur Formation
professionnelle". Il s'en souvient encore et en
rougirait presque. Voici à peine six mois, nous
annoncions que l'“Ex-responsable CGT René
Bagorski [devenait] directeur du département
Relations partenariales de l'Afpa". Il s'en
souvient aussi et proteste : “J'ai quand même
un parcours professionnel intéressant, depuis
quatre ans que j'ai quitté la CGT ! Je ne renie
strictement rien, mais un titre pareil, c'est
vouloir garder les gens dans des cases…"
Ce qui n'était pour nous qu'un élément de
parcours devient une étiquette. Collée aux
semelles, ça agace. Attention, donc, à ne pas
penser Germinal quand lui-même précise être
fils de mineur. Lui croisera la CGT en lycée
professionnel. Enseignant, René Bagorski l'est
toujours ^{[ 1 ]}Chargé de cours à Paris-Descartes dans le DU
“Responsable formation" et le master 2 “Cadres et
consultants en FPC"., CGTiste, c'est fini.

Contre le cumul des mandats…

Et s'il confesse qu'il aurait probablement
pris la présidence du FPSPP s'il n'avait cessé
toute action syndicale, il n'émet aucun regret :
“J'en avais trop vu qui à force de cumuler les
mandats finissaient par oublier qu'ils étaient
avant tout les représentants d'un discours
syndical." Soucieux d'échapper au round de
trop, il laisse l'empreinte d'un négociateur
de talent. Ainsi d'Alain Druelles, directeur
adjoint de la formation au Medef, qui décrit
“un très bon connaisseur des systèmes, ouvert,
exigeant et fiable, qualités importantes dans
le dialogue social". Un point que confirme le
juriste consultant Jean-Marie Luttringer, dont
René Bagorski se souvient qu'il lui avait alors
lancé : “Avec ton leadership incontesté, je ne
comprends pas pourquoi tu pars..."

“Technicité et connaissance des dossiers" d'un
côté, “sens politique et pragmatisme" de l'autre,
Jean-Marie Luttringer voit en René Bagorski
l'une des incarnations de la ligne Thibault.
Ce que ne dément pas l'intéressé, qui souligne
lui-même à quel point l'Ani de 2003 a été
l'occasion d'affirmer la CGT comme “syndicat
de propositions". Comme le souligne Jean-
Marie Luttringer, René Bagorski s'est également
illustré dans ses mandats de gestion paritaire :
président de l'Instance paritaire de coordination
du réseau des Opcareg (Ipco), administrateur
d'Opcalia et d'Agefos-PME,
secrétaire technique national
du CPNFP ^{[ 2 ]}Comité paritaire national pour la formation
professionnelle, membre du groupe
de travail Ferracci, il se révèle
progressivement un acteur majeur
du dialogue social.

Pas d'expertise sans vision politique…

Pourquoi avoir quitté le champ
syndical alors qu'il était devenu
le véritable chef de file de la
négociation de 2009 ? “Je savais
que ce serait la dernière, je ne
souhaitais absolument pas rester
le Monsieur Formation de la CGT
jusqu'à ma retraite, j'ai arrêté ma
carrière syndicale en sortant du
Medef le 7 janvier 2009 à 11h du
matin." Objectif ? “Voir comment
je pouvais passer d'un stade
conceptuel à un stade où ce que j'avais appris et
ce que je savais faire pouvaient être utiles dans
les entreprises." Parce qu'il détient l'expertise
et la vision, mais aussi des talents de diplomate
hérités de son expérience de négociateur,
il sera consultant. D'abord chez Émergences,
un cabinet proche de la CGT, ensuite à son
compte pour mieux valoriser son expertise
formation. Contacté par l'Afpa en 2013, il
n'hésite pas longtemps. De toute évidence à
ses yeux, son “parcours de militant" résonne
avec “l'histoire de l'Afpa, les raisons de
sa création et les valeurs qui l'ont portée.
La notion d'utilité sociale et la façon de
répondre aux besoins des entreprises et de
développement économique des territoires,
ce sont des choses qui ont pour moi du sens,
la formation n'est pas un produit mais bien
un moyen pour permettre à des personnes de
réussir". Et de prévenir : “Aujourd'hui, je ne
suis pas un militant syndical, je suis un cadre
de l'Afpa dont le seul souci est la réussite du
plan de refondation." Directeur du département
Relations partenariales, René Bagorski s'occupe
plus particulièrement des partenaires sociaux
et des relations avec leurs lieux de gestion et
d'orientation que sont les Opca, les branches
professionnelles et les commissions paritaires
nationales de l'emploi. “L'Afpa travaille
traditionnellement beaucoup avec les Conseils
régionaux, mais le plan de refondation dit aussi
qu'il faut développer la réponse aux besoins
des entreprises", explique-t-il. Loin de réduire
sa mission à sa dimension technique, René
Bagorski y ajoute volontiers une dimension
politique : “La formation est un moyen qui
peut répondre aux besoins de développement
économique d'un territoire, accompagner le
développement des compétences collectives
d'une entreprise et permettre à un individu de
sécuriser son parcours par des qualifications
reconnues sur le marché du travail. Le sens est
là, tout le reste, ce sont des moyens que l'on va
mobiliser pour réaliser ces objectifs." Voilà. La
CGT est loin derrière, mais il faudrait maintenant
veiller à ne pas rester collé sur la case Afpa.
Cela tombe bien, René Bagorski, qui conclut sur
son “envie de prendre position sur un certain
nombre de sujets de la formation", dispose
d'un blog René Bagorski, orphelin de ses billets depuis 2012.
Au plaisir de vous lire…