Gilles Schildknecht, chercheur associé au Centre de recherche sur la formation du Cnam et membre du bureau du Comité mondial pour les apprentissages tout au long de la vie (CMA).

Pour le développement de la formation continue au sein des Universités

Par - Le 02 juin 2016.

Chercheur associé au Centre de recherche sur la formation du Cnam et membre du bureau du Comité mondial pour les apprentissages tout au long de la vie (CMA), Gilles Schildknecht a publié une contribution pour le développement de la formation continue au sein des Universités.

CM : Vous soulignez le retard des Universités françaises dans le secteur de la formation professionnelle continue (FPC). Vous retrouvez-vous dans les conclusions du rapport Germinet ?

GS : Ce texte propose une approche différente de celle de François Germinet, qui à mon sens est une lecture très autocentrée. Son objectif est de convaincre en interne, mais je crois qu'il faut partir des questions liées à l'emploi, aux besoins des entreprises. Les Universités ne développeront pas seules la formation professionnelle, il faut également travailler avec les Greta pour être en mesure de proposer une offre de formation qui va du niveau 1 à 5.

CM : Vous dites notamment que les Universités considèrent la FPC comme une source de revenu supplémentaire. Pouvez-vous développer ?

GS : Globalement le monde universitaire est centré sur un mécanisme de reproduction. Tous les présidents d'Université souhaitent avant toute chose produire des thèses pour former des professeurs de l'enseignement supérieur. C'est un blocage culturel fondamental au développement de la formation professionnelle, malheureusement il semble que la jeune génération de maîtres de conférences ait les mêmes travers. Leurs carrières sont guidées par la production dans le champ de la recherche et la publication d'articles. L'enseignement est souvent perçu comme une obligation et dans ce contexte, la formation professionnelle est encore plus éloignée de leurs préoccupations.

CM : Estimez-vous que l'ingénierie pédagogique développée par les Universités est adaptée à un public d'adultes ?

GS : C'est très complexe pour les raisons évoquées précédemment de trouver les ressources pour intervenir auprès d'un public d'adultes. Dans quelques établissements il y a des expérimentations intéressantes, mais globalement tant dans le champ de la formation professionnelle que de l'apprentissage, on recrute sur le principe qui prévaut pour les enseignants chercheurs. Ce sont les présidents des Universités qui pilotent et coordonnent ces différentes activités, dans la mesure où les budgets baissent, la formation professionnelle est perçue comme une source de revenus complémentaire. L'approche reste donc financière, la tendance est à adapter les cursus de formation initiale à la FPC pour répondre aux exigences du répertoire national de certifications professionnelles, mais on ne raisonne pas en termes d'acquis de formation.

CM : Vous soulignez notamment que la VAE peut être une solution à promouvoir pour les étudiants qui ont décroché avant la fin de leurs cursus. Ce discours a-t-il un écho favorable au sein des Universités ?

GS : La VAE est un élément dans le processus de certification, et, elle doit l'être dans la construction des diplômes au sein de l'enseignement supérieur. Les Universités en ont désormais conscience mais ce n'est pas suffisant. Suite aux préconisations du rapport Germinet on recrute des développeurs, on créait des postes dans le secteur du marketing, mais l'Université ne fait pas valoir ses atouts. Les salariés préfèrent les diplômes aux certifications, c'est un avantage indéniable. Avec les blocs de compétences, la VAE permettra de délivrer des parties de certifications valable toute la vie. Avec le CPF, il sera possible de financer jusqu'à 400 heures, mais comme faire pour permettre de prendre en charge le reste du parcours ? L'un des problèmes est que l'Université raisonne en termes de cylindres, l'enseignement supérieur et secondaire comptabilisent 1 200 titres inscrits au RNCP sur 1 500, mais il n'y a pas de coordination entre ces deux acteurs.


CM : Quelles seraient les solutions ?

GS : La solution est peut-être à l'échelle interministérielle, entre 2005 et 2008 il y avait un comité associant la DGEFP et l'Éducation nationale pour le développement de la VAE, c'est une piste intéressante pour impulser un cadre. À l'échelle régionale, les Universités se regroupent et il y a un coordinateur pour la formation continue dans chaque académie, mais il n'a aucun pouvoir, contrairement aux délégués académiques de l'enseignement secondaire. Trop souvent ces derniers sont en concurrence alors qu'ils devraient travailler ensemble, il n'y a pas plus de coordination avec le Ministère de l'Éducation nationale. C'est essentiel de sortir de ces logiques de concurrence pour faire valoir conjointement les atouts de l'enseignement supérieur et secondaire dans le champ de la formation continue.